La soif de reconnaissance de Jérôme Kerviel, ex-trader à la Société Générale a un coût : 5 milliards d’euros! Euh, ça fait un peu cher…En voulant apparaître comme un trader d’exception, Jérôme Kerviel s’est retrouvé dans une situation à l’issue fatale et pour lui et pour son ex-employeur devenu la proie de ses prédateurs.
En fait, cette histoire de "faux et usage de faux, abus de confiance, introduction dans un système de traitement automatisé de données" (motifs de la mise en examen de Kerviel au 28 janvier dernier) montre à l'extrême les dérives des individus lorsqu'ils ont des besoins de reconnaissance non satisfaits.
Je ne peux ainsi m’empêcher d’avoir une réflexion sur les dangers de la méconnaissance de ces besoins, notamment lorsque les salariés évoluent dans un environnement de caste où d’un côté il y a des collègues issus de grandes écoles et d’un autre, il y a les autres.
Selon le journal Courrier International du 31 janvier dernier, Jérôme Kerviel a été "victime de la lutte des castes". Pour réussir comme trader en France, il est apparemment plus intéressant de venir de Polytechnique que de l’université. Je ne veux pas rentrer dans la polémique « grandes écoles vs universités »: ce n’est pas le propos de cette note ; toutefois, il faut admettre que si déjà dans notre système on reconnaît la valeur des personnes en fonction de leurs diplômes, écoles, voire origines sociodémographiques, comment alors croyez-vous que cela va se traduire dans l’entreprise? Qu’est-ce que l’entreprise va inconsciemment (ou consciemment…) avoir comme comportement vis-à-vis de ses salariés? Quelles conséquences ce système peut-il avoir sur le système de croyances et les valeurs de l’entreprise ? Quels impacts cela peut-il avoir sur l’estime de soi des salariés ? "Si vous sortez de l'ENA ou de Polytechnique, votre avenir est assuré. Sinon, vous passez à côté de tous les bons postes" ( Courrier_International. ) c’est ce qu’explique un ancien responsable de la Société Générale à Courrier International. "Ce clivage se retrouve dans toute l'entreprise".
Kerviel lui-même a affirmé lors de sa garde à vue « J'avais compris lors de mon premier entretien en 2005 que j'étais bien moins considéré que les autres au regard de mon cursus universitaire et de mon parcours professionnel et personnel. Je ne suis pas arrivé directement au front office, mais suis passé par le middle office et suis le seul dans ce cas » (Le Monde ). Ce propos en dit long sur son besoin de reconnaissance au travail.
Toute entreprise qui méconnaît un jour le besoin de reconnaissance de ses collaborateurs s’expose à être confrontée à des dérives. Bien entendu, je ne dis pas que l'affaire Kerviel/SG est uniquement une affaire de manque de reconnaissance car c’est bien plus compliqué. Mais l’histoire de Kerviel mérite que l'on s’interroge plus d’une fois sur les impacts de la non-reconnaissance de ses collaborateurs ou sur leur soif de reconnaissance au travail. Que ce serait-il passé si la Société Générale s‘était posée bien en amont la question de la reconnaissance des salariés du back office, middle office et front office? Aurait-on eu les dérives d'un Kerviel ? On ne le saura jamais. Ce que je puis dire toutefois, c’est qu’il est fondamental pour toute entreprise :
- D’évaluer le besoin de reconnaissance de ses collaborateurs
- De savoir ce qu’elle doit reconnaître chez ces collaborateurs compte tenu de leur fonction et grade dans l’entreprise
- Comment et quand cette reconnaissance doit se manifester
- De former le management à cette question
Les entreprises présentant un fort niveau de stress en raison de son activité, d'un turn over important, ou encore d'une distanciation trop forte des collaborateurs vis à vis de leur travail vont devoir répondre urgemment à ces questions avant qu’il ne soit trop tard.
Pour finir cette note, je citerai La Bruyère qui affirmait « Il n'y a guère au monde un plus bel excès que celui de la Reconnaissance" . A méditer...
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