Vous aurez compris que le capital social dont je souhaite parler n’a rien à voir avec la lecture des éléments du passif d’un bilan financier! Mon propos se trouve ailleurs. Il se situe dans la réflexion sur les leviers d’accompagnement au changement.
Sur ce point, je dirai que d’un côté, il y a les leviers traditionnels d’accompagnement, c’est-à-dire ceux auxquels tout le monde pense presque de manière pavlovienne. Ces leviers sont les incontournables des plans de conduite du changement : formation et plus globalement tout ce qui impacte le développement du capital humain, la communication, le coaching, l’accompagnement managérial, l’animation des relais, le travail sur les comportements et les valeurs, les relations avec les partenaires sociaux. D’un autre côté, il y a des leviers un peu plus complexes à utiliser parce qu’ils présentent une porosité et une viscosité à l’égard de sujets sensibles en lien avec le travail et l’organisation du travail (par exemple la santé mentale au travail, les conditions de travail, les relations au travail, la solitude au travail, etc). Parmi ces leviers complexes, je pense en particulier à celui du capital social.
A ce propos, ma conviction est simple : intégrer une réflexion sur le capital social dans les projets de transformation constitue un levier d’appropriation des changements stratégiques, organisationnels ou IT.
La plupart des Directions Générales et des DRH sont convaincus que la performance sociale contribue à la performance durable des organisations et des Hommes.
Cependant, il me semble qu’on s’interroge insuffisamment sur la façon dont le capital social permet d’atteindre les objectifs de cette performance sociale tant recherchée ; et encore moins sur sa contribution dans la réussite des projets de transformation stratégique, organisationnelle et technologique. Il y a plusieurs raisons à cela et celles-ci sont sans doute liées à de la méconnaissance, de la confusion et à la difficulté d’opérationnaliser ce concept.
D’abord, il y a une méconnaissance sur l’objectif qui se cache derrière le concept de capital social. Cet objectif est de comprendre comment les individus et les organisations peuvent atteindre efficacement et le plus justement possible des buts communs.
Ensuite, il y a une méconnaissance sur la signification même du concept, lequel il faut le reconnaître est très riche. Cette difficulté d’aborder le sens entraîne de la confusion, notamment entre la notion de « capital social » et de « capital humain ». Pour rappel, le capital humain d’une entreprise c’est « l'ensemble des connaissances, qualifications, compétences, et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bien-être personnel, social et économique » (source OCDE). Il est reconnu que le développement du capital humain est une priorité pour les DRH et je dirai même pour la compétitivité des nations ! Les lois sur la GPEC, les approches de gestion par les compétences, les stratégies mises en place pour développer les talents, les budgets importants alloués au développement de la formation tout au long de la vie en témoignent.
En revanche le capital social, concept qui finalement existe depuis très très longtemps (Lire Tocqueville et Durkheim notamment), est autre chose.Ce concept est protéiforme et interprétable de différentes façons. Par exemple, il y a une approche sociologique, anthropologique, économique ou gestionnaire du capital social ; ce qui rend d’autant plus difficile l’appropriation du concept et sa déclinaison opérationnelle dans les organisations. Malgré tout, la définition élaborée par l’OCDE pourrait faire l’unanimité. Cette institution définit le capital social comme étant « les réseaux, les normes, les valeurs et les convictions communes qui facilitent la coopération au sein de groupes ou entre ceux-ci ». En d’autres termes, le capital social met l’emphase sur les rapports qui unissent les individus, leur capacité à nouer des relations internes et externes et les normes qui les régissent. Dans les organisations, ce capital social peut prendre forme dans les relations entre les collaborateurs, les groupes projets ou encore les métiers.
La difficulté à s’approprier et rendre opérationnel le concept de capital social tient, je l’ai dit, à la diversité des approches du concept lui-même et au fait qu’on peut difficilement le mesurer ou lui attribuer une valeur comptable !
Mais faut-il absolument donner une valeur comptable au capital social ? Mesurer est-il évaluer ? Ne serait-il pas plus impactant de comprendre comment les déterminants du capital social de l’entreprise interagissent entre eux et les effets de ces interactions sur le contenu du travail, le travail collectif et le collectif de travail ? Il est évident que les projets de transformation impactent forcement le travail et l’Homme au travail.
Or, si on part de l’hypothèse que le travail est le résultat d’une production et d’un effort collectif, alors les transformations impactent et peuvent transformer le capital social. Par conséquent, la valorisation du capital social doit figurer dans tout plan de conduite du changement car il contient des vertus intéressantes à ne pas négliger…Quelles sont ces vertus et par où commencer ? Nous en parlerons dans un prochain billet.
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